Écriture de Ne t’endors pas. Déconstruction et reconstruction. Je me suis installé dans cette chambre, chez Laurent et Elodie, le 21 février. Depuis le 22 février, tous les matins, tôt, je décompose et recompose les scènes de Ne t’endors pas. J’en écris aussi de nouvelles. Travail de mécanicien ? De chimiste dirait Baudelaire. « Et j’ai fait mon travail comme un parfait chimiste et comme une âme sainte ».

J’ai découpé l’histoire de Crédonia en 14 stations :

1 – Je suis là (la bouche).
2 – Je marche (les jambes).
3 – J’entre dans la blessure (les mains).
4 – Je sens le cadavre (le ventre).
5 – Je mate des imbéciles (le cul).
6 – Je touche des corps de femmes (le visage).
7 – J’imprime des corps de femmes.
8 – Mon sexe se met en transes.
9 – Mon animal est triste.
10 – Ne me touche pas.
11 – Je traverse/je suis dépouillée.
12 – Je suis fouettée.
13 – Je suis cruxifiée.
14 – Je suis ensevelie.

Tous ces jours derniers, j’ai fourni ces scènes nouvelles à Charline. Elle les lit avec les acteurs et essaie sur le plateau différents angles d’attaque. Elle n’a pas l’air très rassurée. Moi non plus.

À Saint-Brieuc, la mise en scène d’Annie (Lucas), très efficace, était concentrée dans un espace semi-circulaire, le forum de La Passerelle. Le rapport intime acteurs/spectateurs, inscrit dans la structure même des premières scènes, pouvait s’y déployer à l’aise. On l’éprouvait physiquement. Les acteurs avaient les spectateurs sous le nez et vice-versa. Ici, sur la grande scène de plein-air, sans ciel ni coulisses, la pièce, éclatée, multiple, lieu de passage de figures fugaces, donne du fil à retordre aux acteurs et au metteur en scène.

À Saint-Brieuc, les 2 copines, Jeanne François et Marie-Laure Crochant, prenaient à partie des spectateurs avec un culot de meneuse de revue, ici Adama Akili et Fatima Ouedraogo sont pour l’instant intimidées par le langage direct, espiègle, parfois cru de leur personnage. De plus, elles n’ont pas en face d’elles les spectateurs qui leur permettraient de jauger la qualité de leur frappe, de rebondir.

Pour donner plus de puissance et de rythme à ce face à face avec le public/peuple, j’ai écrit un nouveau personnage : l’homme en soutane (j’ai envie de l’appeler simplement La soutane). J’ai écrit ce rôle pour Mathieu Montanier. Je compte sur Mathieu pour épauler Ese/Crédonia et ajouter du délire et de la férocité à ce manège de figures.