On me demande : "Votre pièce Plage de la libération parle-t-elle de la Révolution ?". Oui elle en parle. Non seulement elle en parle mais l'imaginaire de la Révolution la traverse de bout en bout. Avec la royauté de droit divin le pouvoir tout entier était monté dans la tête : cette tête hautement symbolique a été coupée le 21 janvier 1789 place de la Révolution. Dans Plage de la libération la tête symbolique tombe avant le premier mot et... disparaît. On la cherche pendant toute la pièce...

Ce n'est pas à moi d'analyser les postures, les philosophies, les symboles, les questions qui renvoient à la Révolution dans cette pièce qui ont là leur point d'ancrage, je peux cependant donner deux ou trois repères.
- Le nom ancien de Plage de la libération était Plage Robespierre. Noël Villigan continue de revendiquer ce nom.
- Antoine de Lotime, l'ancien collabo, l'adversaire politique de Noël Villigan se nomme justement Antoine de Lotime (surnom : Photographe).
- Noël Villigan commence réellement sa carrière de grand Résistant et libérateur en tuant l'Abbé Runavott (cf Saint-Just exigeant la mort du roi dès son deuxième discours à l'Assemblée).
- Photographe compare textuellement le Capitaine Grenadieu à Louis XVI (Paradoxe terrible pour l'un comme pour l'autre mais cette tête qui erre remue des souvenirs, mouille les émotions et suscite l'ironie de l'histoire !)
- Nicole, héritière de l'Histoire, erre elle aussi à la recherche de l'attitude juste. Elle est comme une France toute neuve qui après la réalisation de l'Oedipe collectif (meurtre du Père-Roi) se trouve précipitée dans la liberté.

Plage de la Libération, deux cents ans après la Révolution et quarante ans après la Libération traite de l'héroïsme, d'une situation singulière qui souligne les attitudes d'un morceau de peuple mis brutalement face aux moments cruciaux de son histoire, moments qui condensent et révèlent comment il marche.

Plage de la Libération en 1989 invite à repérer des empreintes à peine visibles mais aussi des articulations actives qui justement font jouer ensemble des mots comme Libération et Révolution à travers des gestes qui les trahissent ou qui les réinvestissent à travers des actes et des enjeux qui font de ces mots des mots vivants, explosifs.

Plage de la libération ne commémore pas mais le rôle d'une pièce de théâtre est-il de commémorer ?