(Article écrit par Roland Fichet pour Le Journal du Théâtre de Folle Pensée, n°4, 4 décembre 1996)

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Enfance

Toutes les enfances sont rurales. Même dans les vies les plus citadines réussissent à se glisser une meule de foin, une botte de paille, un verger, une gerbe de fleur, un carré d’herbe, une motte de beurre, le pis d’une vache… Toutes les enfances sont arrosées de lait. Ah ce paradis terrestre, ce verger originel qui allument encore notre mémoire, notre étroite imagination de maniaques du bitume ! Comment se retourner vers ce petit monde explosé ? Comment l’explorer sans déraper dans la nostalgie, le mélodrame ou l’évocation champêtre ? La vache folle d’un coup de corne nous a jeté dans la cruauté ordinaire où se noie de nos jours le peuple des vaches. Fais de la comédie avec ça si tu peux ! Et voilà pour la Grande Comédie Rurale, notre plat de résistance (20h30 tous les soirs). Celle-ci a pour titre : La prière des vaches.

Quant aux Petites Comédies Rurales nous les avons nourries de silhouettes déjà voilées, de figures qui persistent, qui insistent, qui sont là rivées à notre peau : Jeanne, Polite Ham, Mâme L’Her, Mâme Yoc’h, Sylvain Bûche, Le Cam, Marguerite Henaff, Paul Meunier, Yves Le Scanv, Marie-Paule Rivoalan, Louis Picheral, etc.


Époque

Les Scènes de Naissances que nous jouons depuis quatre ans de ville en ville nous ont mis sur la piste de petites comédies actuelles, sur la piste des mots et des gestes de l’époque, de cette époque qui a l’air de marcher sur la tête dans les pires moments et au moins à
cloche-pied dans les meilleurs !


Jubliation

« N’oublie pas la jubilation, m’a dit un jour un conteur qui en connaît un rayon question langue (et aussi question ruralité), la jubilation est nichée au creux des mots, des tournures de phrase, des accidents de la langue, va la chercher, pétris les mots comme de la glaise et souviens-toi que humour et humus ont le pied pris dans la même racine (latine !). »


Communauté

Ceux qui connaissent le Théâtre de Folle Pensée savent que s’y croisent des écrivains, des acteurs, des metteurs en scène, des peintres, des musiciens, des techniciens de la scène (et de l’administration ! ) . Une pièce en répétition c’est toute une petite société qui s’active…

Actuellement vingt personnes travaillent au sein du théâtre La Passerelle à la réalisation des Comédies Rurales. De nouveaux acteurs ont rejoint le Théâtre de Folle Pensée et se sont greffés sur une partie de l’équipe des Scènes de Naissances. Six acteurs répètent La prière des vaches sous la direction d’Annie Lucas. Six autres, conduits par Roland Fichet, articulent une série de comédies brèves. Ces petites comédies dessinées au crayon, cadrées comme des instantanés jouent sur un mode mineur la fuite d’un temps et de ses figures.


Armor

La prière des vaches inscrit ses mots dans le paysage des Côtes d’Armor, chemine sur ce territoire. On y entend la mer, on y entend le nom de villes et de villages de ce département de Bretagne : Saint-Brieuc, Le Légué, Loudéac, Lamballe, Binic, Saint-Quay, Plouha , Lannion, Lézardrieux, Ploubezre, Trémargat, Plougrescant, Erquy… Les noms des hommes et des lieux de ce pays sont pour nous des sentiers de poésie. Annie Lucas qui cherche le chemin de sa mise en scène dans cet entrelacs me prie d’ajouter que les personnages vont d’un petit bouvreuil au pape en passant par un drôle d’oiseau qui a pour nom Lankou et elle lève les bras au ciel (de joie ?).