Le 12 novembre 2005 au Théâtre National de Bretagne, à l’initiative de François Le Pillouër, Bernard Stiegler, philosophe, récemment encore directeur de l’Ircam, responsable aujourd’hui du développement culturel au Centre Beaubourg, exposait sa perception et sa conception du rapport aux arts, et en particulier au théâtre, dans le monde d’aujourd’hui.

À la fin de sa conférence, je lui pose cette question : « Comment doit-on concevoir les théâtres que l’on construit aujourd’hui, compte tenu des problématiques que vous venez d’exposer ? »

Il répond : « Comme des écoles. Ils doivent être entièrement pensés comme des lieux de transmission, avec ce que cela suppose comme accès à des œuvres et à des artistes, comme accès à des outils qui ouvrent, qui décryptent, qui instruisent, qui déploient le rapport à l’art et à la culture. »

La notion d’école prend son sens le plus fort dans les écoles professionnelles et les conservatoires. L’emploi du mot école, de ce point de vue, doit être utilisé avec précaution. Les écoles professionnelles ont un rôle spécifique qui n’est pas celui d’une compagnie. Il n’en demeure pas moins qu’une compagnie, telle que nous la concevons, est aussi un lieu de transmission.

Au Théâtre de Folle Pensée, avec nos moyens, nous tentons toujours davantage d’articuler l’acte d’écriture, l’acte de création et l’acte de transmission. La question des techniques de l’apprentissage, de la déconstruction et de la reconstruction des savoirs, des cheminements théoriques et pratiques, nous paraît décisive dans le rapport que l’on entretient à l’acte de création. La transmission interne et externe, la formation – celle qu’on reçoit et celle qu’on donne – oblige à reparcourir régulièrement les pratiques, à penser ce qu’on fait et ce qu’on dit, à le penser et à le repenser, parfois même à le refonder. Dans le champ de la formation, on reçoit ou on transmet des savoirs, mais aussi on les élabore, on les élabore en commun.

Articulés aux ateliers, cours et parcours de formation et d’éducation artistique que nous prenons en charge, nous fabriquons des outils, certains très simples, d’autres plus complexes, pour mieux comprendre, mieux transmettre, mieux élaborer. Conservation et transmission ne s’opposent pas pour nous à élaboration et transmission. Ils marchent ensemble. Koltès a besoin de Racine et Racine de Koltès ; pour être lus et compris ils sont nécessaires l’un à l’autre.