(Texte original et inédit de « La robe », pièce courte de Roland Fichet.)


Un garçon, une fille

Lui — Tu as traversé la route.
Elle — Et alors ?
Lui — Tu as traversé la route pour venir sur MON trottoir.
Elle — Tu doutes de rien, toi.
Lui — Si. De toi. Jolie ta robe.
Elle — Un cadeau.
Lui — De ton petit ami ?
Elle — Oui.
Lui — S’appelle comment ?
Elle — Jérémie.
Lui — Un gars qui pleure tout le temps ?
Elle — Pourquoi tu dis ça ?
Lui — Made in China, je parie.
Elle — Laisse-moi passer.
Lui — Je suis contre.
Elle — Contre quoi ?
Lui — Contre les cadeaux, contre les robes et contre les Jérémie. Surtout contre les robes.
Elle — Laisse-moi passer.
Lui — Je vois une robe, j’ai envie de la déchirer, c’est plus fort que moi, une sorte de phobie, la phobie des robes. Made in China, hein ? Made in China ! Une robe qui doit se déchirer comme du papier ! Tu tires dessus et crac elle se déchire du haut en bas. Made in China !
Elle — T’es dérangé, toi.
Lui — Sors de ta robe.
Elle — Si tu me touches, je crie.

Vif, le garçon met sa main sur la bouche de la fille.

Lui — Vas-y crie.

La jeune fille se dégage.

Elle — T’es malade !
Lui — J’aime pas les filles qui portent des robes.

Le garçon arrache les bretelles de la robe, tire d’un coup. La robe se dégrafe et tombe. Il bouscule la fille et s’empare de la robe.
Il tient la robe d’une main et de l’autre la fille.

Lui — On gagne du temps tu trouves pas, tout de suite comme à la maison, à l’aise. Si tu te carapates sur tes belles gambettes je t’assomme. Et je te casse le nez. Et les côtes. Et plein de petits os par ci par là.

Il lâche la fille.

Et si je la mettais, moi, cette robe, tu crois que ça m’irait ?
Elle — Va te faire foutre.
Lui — Du calme. Comme ça en soutif et petite culotte dans la rue, c’est super, non, t’es super bien comme ça.
Elle — Le rêve ! Pauv’con !
Lui — Made in Taïwan. C’est bien ce que je disais.
Tu me cherchais ?
Elle — C’est ça, je te cherchais.

Le garçon enfile la robe, prend des poses, fait quelques pitreries.

Lui — Je ressemble à un loup ?
Elle — Non.
Lui — Pourtant, je vais te manger.

Le garçon se jette sur la fille. Elle lui assène un tel coup de genou dans les testicules qu’il s’effondre. La fille part en courant.
Deux autres types passent, voient le gars en robe qui se tord sur le sol.

Ils lui donnent en passant une série de coups de pied.

Les types — Sale pédé ! Sale pédé !