Couverture du livre Micropièces

(Texte intégral de « Istanbul », micropièce de Roland Fichet publiée dans Micropièces - Fenêtres et fantômes, Éditions Théâtrales, novembre 2006.)

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À cause d’Istanbul et d’une capote anglaise je ne suis pas né. Voilà la cause pourquoi j’erre, non né. Je raconte. Je devais être conçu un premier janvier à la campagne, tout était programmé. Pour couronner une grande époque de baise l’Apollon et la Vénus qui ont failli être mon papa et ma maman s’étaient mis à rêver d’un Jésus, d’un bébé, d’un enfant, de moi. En décembre ils avaient craqué et jeté par la fenêtre le stock de boîtes de pilules, mais voilà que le vingt-quatre du même mois ma mère potentielle se met brusquement à suivre un satyre dans la rue de Lappe à Paris, lequel satyre ne fait ni une ni deux, la jette dans un avion et l’embarque à Istanbul où ils font bamboche et l’amour en veux-tu-en-voilà. Sans capotes. Résultat : au retour, mon géniteur virtuel, méfiant et peut-être vexé, emballe son engin et refuse tout risque. Vous comprenez ? Il s’encapote puisque l’autre… souligne l’erreur, prend ses distances, glisse entre lui et son amante irresponsable une fine pellicule de plastique… (Qu’auriez-vous fait à sa place ? ) Patatras ! je ne peux naître. La déception est insurmontable, ils se séparent de corps et d’esprit, adieu le spermato de choc dont j’avais besoin pour me lancer. Non né, j’erre, vouant aux gémonies les inconséquences féminines. Je t’aurais tant aimée, ma mère.