(Lettre-article reçue de Niamey, écrite par Saley Boubé Bali, écrivain et chercheur en tradition orale)

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Roland Fichet est de retour au Niger avec une nouvelle création : Anatomies 2009 - Comment toucher ? C'est une nouvelle aventure dramatique sur un espace scénqiue homogène qu'il propose au public. Il ne renonce pas pour autant à sa révolte contre l'académisme de banc et s'interroge sur la relation parole-geste-corps à travers une expérience de fusion du théâtre occidental, axé sur le jeu d'acteur et la représentation, avec celui d'Afrique noire d'inspiration rituelle.

Pour conduire cette nouvelle aventure osée — le metteur en scène de Folle Pensée a fait appel à deux danseurs congolais, deux acteurs français accompagnés de six comédiens qui donnent à la pièce sa profondeur rituelle.

Anatomies 2009, sans jamais tomber dans la vulgarité, est plus qu'une transgression de la conscience du spectateur, tant par le langage que par les costumes qui laissent entrevoir des corps appétissants.

Ce choix a le mérite d'amuser le public mais aussi de le pousser à une prise de conscience sur l'absurdité de la condition humaine autour de la problématique du verbe "aimer" en relation avec "toucher", "communiquer".

Les quatre acteurs prennent le public à témoin, dialoguent par gestes entre eux, tentent de nous persuader, de nous convaincre, qu'aimer c'est le contact. Ils ont recours au registre épidictique par la question : "que signifie aimer dans votre langue ?". plusloin, ils nous renvoient au passé, grand-mère, ancêtre. "Toucher est au début de la vie et le cœur de l'existence humaine.

Mais subitement au septième coup de gong, on découvre qu'aimer, c'est souffrir et que toucher peut nous faire basculer dans la barbarie. Dès cet instant la parole soulève le corps qui s'exprime par la transe que seule la parole grave peut provoquer. la transe nous fait quitter le sol pour le ciel. Le spectacle et les spectateurs décollent des carrés dessinés sur le sol pour se placer dans la dimension verticale. Le silence dans la salle est absolu. Le chemin est ouvert pour les ancêtres. Il n'y a plus aucune barrière, aucune frontière.

Anatomies 2009, c'est avant tout une invitation à plus de conscience qui privilégie la question du contact, du rapport, d'où le choix d'une interprétation par des acteurs de continents, de cultures, d'expressions artistiques différents pour aborder un thème aussi emblématique que l'amour dans un monde matériel.

Mais comme dit un adage nigérien, le tam tam ne résonne bien que sous l'aisselle de son propriétaire, et au théâtre, le public est le mieux placé pour juger une représentation. À Niamey, tout le public est unanime, Fichet a gagné son pari en réunissant une parfaite harmonie entre les expressions artistiques.

On parle déjà d'interartistualité dramatique.