Dès le premier jour, je me retrouve sur le porte-bagages d'une mobylette. Je roule dans Ouaga sur ce siège raide comme l'injustice. Je n'ai pas circulé sur un porte-bagage de mobylette depuis les étés de mon adolescence à Saint-Brieuc de Mauron. (D'habitude les petites motos sur lesquelles je circule ont un siège double bien rembourré qui assure un minimum de confort au pilote et à son passager.)

Théophile, le réalisateur du reportage est de nouveau avec nous.

10h. Nous rencontrons les acteurs et les danseurs de Ouagadougou. Au moment des présentations mutuelles, Damien énonce que depuis quatre ans, depuis sa sortie de l'école, il a travaillé avec deux metteurs en scène : Stanislas Nordey et Roland Fichet. Il s'est concentré sur ce que lui ont proposé ces deux metteurs en scène. Il énonce qu'il a le projet de devenir lui-même metteur en scène – un grand metteur en scène –, qu'il va s'y mettre très bientôt.

Damien est un acteur puissant et technique. Il sent le théâtre. C'est un chasseur. Il est aux aguets. Il est méthodique. La bête-théâtre ne lui échappera pas. Il est serré sur lui. Volontaire. Ombrageux par moments. Vite sur la défensive. Ce qu'il apprend ici, en Afrique, c'est le déplacement latéral, le slalom, les courbes, les mouvements sinueux du corps, la force de ce qui nous habite et que nous ne maîtrisons pas.

Sur ce terrain, Aucarré est son initiateur, beaucoup plus que moi. Leur dialogue est dense. Il s'inscrit dans la durée. Depuis mars 2008, ils ont passé quatre mois ensemble. Ils aiment jouer. Ils aiment l'euphorie du jeu, sur la scène et dans la vie.

Le dialogue Marie-Laure-Damien, Marie-Laure-Aucarré, Marie-Laure-Princia est très fécond. Marie-Laure a le sens de la comédie. Elle est actrice et comédienne. Elle ne cesse, mine de rien, de proposer de nouvelles variations, d'ouvrir le champs de la comédie.

Mama Kouyaté déboule au C.C.F.

Mama Kouyaté me conduit dans sa grosse 4x4 Land Cruiser à la Termitière, la salle de danse créée par Salia Sanou et Seydou Boro : un vrai plateau vaste et nu face à des gradins bien pentus. Je discute avec des danseurs du Burkina qui travaillent en ce moment à la Termitière.

Partout sur les bords des rues ces étals de fortune que tiennent des femmes du peuple humbles et patientes. J'achète des mangues, des oranges, des bananes. Je voudrais me mettre à genoux devant ces femmes qui toutes ressemblent à ma mère.

Mama Kouyaté estime qu'on n'a pas fini de tirer de moi tout ce qui ne peut être tiré. En conséquence je dois éviter de circuler sur les mobylettes et les motos qui sont, selon elle, un moyen efficace d'abréger ma vie. Elle me fait cette recommandation devant sa 4x4 et devant la Termitière, l'espace artistique de Salia et Seydou.

Dans le centre de Ouaga,  les rues sont vastes, bien entretenues, bordées de pistes cyclables. Il y a une place des Cinéastes et des statues de réalisateurs sur l'avenue du 7ème art. Pour arriver à la Termitière, il faut passer par le royaume des motocyclettes, une rue où on vend, bricole, répare des milliers de motocyclettes. Et sur un panneau au milieu de ces motocyclettes, cette inscription : « MARCHE DU THEATRE POPULAIRE ». Mystérieux !

Damien sort de scène où il vient de montrer quelques figures aux acteurs burkinabés intégrés aux Anatomies 2009. Il s’étonne d’être devenu un danseur. Les cheveux de Aucarré vont bientôt pousser sur la tête de Damien et les cheveux de Damien sur la tête de Aucarré. Miracle ! Miracle ! criera la foule. Non, non, seulement du travail.

À chaque étape, Papythio, notre régisseur général congolais, monte avec les équipes techniques locales le dispositif scénographique et les lumières de Anatomies 2009. Il commence à en connaître un rayon sur les équipes techniques africaines. Il est impressionné par l’équipe technique de Ouagadougou. De sacrés professionnels selon lui.