Réunion de toute l'équipe. Nous nous posons quelques questions sur l'échange entre les acteurs et le public dans un pays hispanophone. À Pointe-Noire, nous avons ressenti la confiance du public. D'emblée entre la scène et la salle s'est installé comme un climat de confiance. Du coup, les acteurs ont pu s'adresser au public en toute tranquillité, ouvrir leur jeu. Pouvons-nous ici compter sur cette disponibilité ? Comment la créer ? Nous savons qu'une partie de la salle ne comprendra pas bien ce que nous disons. Aucarré exprime son point de vue : « Moi, je joue le son de la langue, comment ça sonne, comment ça résonne, autant que le sens. Ça peut fonctionner, ça fonctionne même s'ils ne comprennent pas tous les mots. Moi, je suis avec ça, avec le jeu des sons et de mots. »

Papythio et l'équipe technique de l'Institut installent la salle. La scène en bois est vraiment petite. Nous diminuons le carré blanc de quatre mètres sur quatre que nous traçons à chaque fois sur la scène. Beaucoup de carrés et de rectangles se répondent dans cette salle : la salle, la scène, la fenêtre de la cabine technique sont rectangulaires comme les six cadres vides que nous suspendons au fond de la scène. Ce jeu d'échos formels m'amuse. On dirait une installation de plasticien.

16h. Répétition avec tous les acteurs. Nos six partenaires de Malabo sont très sympathiques. Trois sur six sont des chanteurs. Ils ont choisi un chant traditionnel à la fois rythmé et solennel qui introduit bien la séquence des ancêtres. Ils prennent leur rôle au sérieux. Nous reprenons plusieurs fois les scènes qui les concernent.

20h. Nous sommes invités à l'ambassade de France par l'ambassadeur, Guy Sérieys, le ministre des sports français, Bernard Laporte, et le ministre des sports équato-guinéen, Obiang. (Est-ce le fils du président de la République ?) Discours sur la francophonie dans une langue française sérieusement écorchée aussi bien par le ministre que par l'ambassadeur. Damien est de Rodez comme Bernard Laporte. Je chope le ministre au passage et lui présente l'acteur. Discussion entre Ruténois sur les exploits de l'équipe de foot de Rodez en coupe de France.

22h30. Après la réception à l'ambassade, je bois une bière avec Papythio dans un boui-boui. Nous sommes dehors assis sur un banc de bois. Il fait bon. Les gens passent. Un homme qui ressemble à celui que j'ai rencontré il y a deux jours s'assied à côté de moi et me dit « Ce que tu as c'est ce que tu manges, ce que tu bois et ce que tu fais avec ça (il désigne son sexe), voilà ce qui t'appartient. Seulement cela t'appartient et rien d'autre. Rien d'autre que ça. Tout le reste ne t'appartient pas : enfants, maison, argent. Rien d'autre que ça : ce que tu manges, ce que tu bois, ce que tu fais avec ça. »