10h. Le groupe au complet – Congolais, Équato-Guinéens et Français – se retrouve à l'Institut culturel. Prise de contact avec le texte de la pièce et traduction. L'hospitalité réciproque est une expression qui, depuis le début, est au cœur de notre démarche. La traduction la concrétise à chaque nouvelle étape. La traduction de quelques fragments de la pièce en langue locale est un exercice d'hospitalité réciproque. Nous nous accueillons mutuellement dans nos langues.

16h. Je circule dans la ville. Partout des bâtiments en construction. Certains de très grande dimension. Les anciennes maisons de style espagnol avec arcades, patios, balcons, volets à claire-voie verticaux cohabitent avec de nouvelles constructions très modernes. Les maisons « espagnoles » aux nombreuses fenêtres souvent jaunes, sont la plupart du temps très dégradées. Le palais présidentiel est immense et somptueux.

Le chauffeur de taxi ne veut pas sortir de Malabo, il finit par m'emmener, parce que j'insiste, dans un quartier de pêcheurs, au bord de l'océan. Mais les pêcheurs ne peuvent quasiment plus pêcher. Toute sortie en mer est contrôlée. Le président Obiang Nguema se méfie de ce qui peut venir de la mer, particulièrement depuis l'attaque du 17 février. Ce jour-là, il y a à peine plus d'un mois, une bande de « pirates » a attaqué le palais présidentiel. Je demande au chauffeur s'il pense que ce sont vraiment des « pirates » venus de l'océan qui ont attaqué le palais présidentiel. Il me répond, prudent, qu'il ne sait pas. Mais il ajoute que les « pirates » sont peut-être venus de l'océan, peut-être venus d'ailleurs, peut-être même venus de la famille du président.

Je descends de la voiture, le chauffeur m'accompagne. J'aperçois amarrées dans une toute petite crique pleine de détritus deux humbles pirogues de pêcheurs. L'homme soupire : « Depuis que les Américains et le pétrole sont là, il y a beaucoup d'argent, tout est pourri. »

Plus tard, dans la rue, je repère une affiche pour la prévention du sida. J'interroge mon voisin :

– Il y a beaucoup de malades du sida, non ? C'est une maladie terrible.
– Il y a une maladie dix fois pire que la maladie du sida.
- Quelle maladie ?
– L'argent. C'est l'argent qui nous fait mourir.