Je descends doucement vers la Bretagne. Dès le lendemain de mon retour, nager dans la mer fraîche tôt le matin m’a remis en contact avec le pays bleu. Je m’immerge dans le bleu frais tous les jours à Martin Plage. Je reviens de Brazzaville où j’ai séjourné trois semaines (19 juillet au 7 août). Quelque chose de la vie passe de Brazza à Saint-Brieuc, quelque chose de la vie brassée à longueur de journée dans les salles du théâtre Sony Labou Tansi, sous les paillottes des bistrots, sur les terrasses des restaurants, au Centre Culturel André Malraux, à la M.J.C. de Ouenzé…

Je t’entends Dieudonné Niangouna proférer de ta voix intense une petite comédie (La 404 rouge) chez Kosovo, je t’entends chez Hassan rythmer devant Pluma ta pièce Attitude Clando, je t’entends jeter dans la gueule du micro devant la bibliothèque de Ouenzé des pages de Sony Labou Tansi, de Emmanuel Dongala, de Kossi Efoui, de Victor Hugo. Si je me souviens bien j’ai dit avec toi, ce soir-là, du Baudelaire, du Verlaine, du Mallarmé. J’ai ce qu’il me faut sous la main pour rester dans la vibration Congo : les chansons et musiques du groupe Black Spirit Melody (salut Pluma et Papythio !), et du groupe Lang’i (salut à vous Upta et Jess !). Et la vidéo de Mona-mambou, de la compagnie Li-Sangha, chorégraphie de Orchy Nzaba. Ton spectacle me plaît, Orchy. Dans l’atelier Fenêtres et Fantômes nous nous sommes tout de suite bien entendus et sur le plateau il y avait du punch, de la chair, de la poésie, de la vie. Vous avez fait de Elle manque de ça un poème physique. Ça déchirait. Sur la scène des danseurs qui s’arrachent. Idem pour le trio de En trop : 111 millions de chinois en plein désarroi !

Brazzaville du nord au sud. J’ai commencé à la bibliothèque de Ouenzé où m’ont accueilli les pionniers Valère Eteka et Francis Le Hérissé, et j’ai continué au Centre Sony Labou Tansi à Bacongo. Avec les jeunes des cercles de lecture des lycées de Brazzaville nous avons lu des pages de nombre d’écrivains africains dont Alain Mabanckou, compagnon d’aventure dans ces Rencontres du Livre Vivant. Avec les acteurs, danseurs et chanteurs réunis dans le Théâtre Sony Labou Tansi, nous avons exploré comment lever sur scène par le corps, la voix, la danse, le chant, quelques-unes des petites pièces de l’ensemble Fenêtres et Fantômes : Elle manque de ça, En trop, Que, Le baiser, Gratuit, La revenante, Bonbons, Bâtons, Yeux, Le Cam.

Pendant ces trois semaines, Alain Mabanckou au Congo. Alain Mabanckou et son fantôme le héros de son poignant roman Verre Cassé. Alain Mabanckou et son fidèle Apollinaire (pas le poète, l’ami d’Alain), tels Don Quichotte et Sancho Pança. Un Don Quichotte en costume rayé. Il a de la classe, Mabanckou. De l’œil et de l’oreille. Il capte. De jour et de nuit, nous avons circulé dans pas mal d’endroits. En souplesse. Un autre congolais magnifique dans le groupe d’individus réunis par l’obstiné Francis Le Hérissé : Boniface Mango-Mboussa. Ses livres Désir d’Afrique et L’indocilité m‘ont beaucoup appris sur les écrivains africains. Beau moment que ce dialogue avec Boniface sur Tchicaya U Tam’Si devant le public du Centre André Malraux le 29 juillet. B. Mango-Mboussa prépare un livre sur la filiation Tchicaya U Tam’Si Sony Labou Tansi qui va sortir dans quelques semaines.

Et nous voilà tous les quatre un beau matin (le 1er août) sur la scène du Centre Culturel Français : Alain Mabanckou, Dieudonné Niangouna, Boniface Mango Mboussa et ma pomme. C’était pas mal. Il y avait du monde. Les questions et les points de vue se succédaient dans un bon rythme. Partis de l’écriture dramatique nous avons dérivé en douceur vers l’écriture et l’Afrique. Passe d’armes musclée entre Dieudonné et moi. Sacré Dieudonné, un dribbleur de première ! Le 28 juillet j’ai accompagné sur la scène Nicolas Bissi. Nicolas a raconté avec précision les débuts et le voyage artistique du Rocadou Zoulou théâtre que Sony Labou Tansi et lui-même ont fondé en 1979. Dialoguer avec Nicolas Bissi sur cette histoire de théâtre soulevée par Sony Labou Tansi m’a fait quelque chose, comme on dit. Nous avons commencé à évoquer ce voyage fondateur dès le lendemain de mon arrivée dans les marges d’un rassemblement familial et en déambulant dans le marché Total de Brazza.