Ruelles. Zinder, porte du Sahel, ancienne capitale du Niger. Partout des groupes dans les ruelles, des groupes d’hommes assis le long des murs, de petits groupes de femmes qui vendent des bricoles, des onguents, des pigments et surtout des groupes d’enfants, des grappes plutôt, dans la rue ou réunis autour d’un maître dans des écoles coraniques rudimentaires, quasiment en plein air. Des murs rouges, des portes peintes, des mosquées, des rochers, un palais-labyrinthe.

Dans ce dédale les apparitions ne manquent pas. Pénétrant dans un couloir, je tombe nez à nez avec une vache aux cornes majestueuses. Paisible comme tous les habitants que nous croisons. Dans le nôtre non plus (de dédale) les apparitions ne manquent pas. Le Centre culturel que dirige Sylvie Guellé nous offre des murs, des allées, des escaliers, des paillotes, des toits, une scène.

Nous arrivons à Zinder le 30 mars au soir. Nous venons de Ouagadougou via Niamey. Nous avons joué à Ouagadougou le 25, 26 et 27 mars. Dès le 31 mars nous installons dare-dare nos fenêtres et nos Fantômes, et les pièces d’identités : Revanche(s), À l’étroit, Contradictions, Ne t’endors pas. Toute la troupe se glisse dans les plis de ce lieu chaleureux dont la rénovation s’achève justement ce soir, 1er avril 2004. Nous inaugurons le nouveau Centre. Les acteurs se coulent dans les petites et grandes pièces d’identités devenues des habits familiers qu’ils ré-ajustent en fonction des espaces et du dispositif général de représentation.

Toudeba est sur le toit, il cherche un appui, un cadre pour jouer Fraternité qui ouvre la soirée, Wakeu et Kocou testent En trop sur un muret, Mathieu et Beto se superposent dans le jardin pour proférer Contradictions d’Ousmane, Martin Ambara dispose une table au fond d’une ruelle (Parechoc), Adama Akili se voile le long d’un mur (Doigt), Fati Halidou frotte ses couteaux l’un contre l’autre (Culture), Aïssa Ide répète Nue sous une paillote, Fatima Ouedraogo dresse ses cheveux rouges, une banane à la main (Déprime). Monique et Charline vont des uns aux autres, réglant pour chaque texte la partition théâtrale ; de mon côté je remets en scène Dans la paille qu’interprète Ese Brume. Des séquences rythmées, physiques et vocales dont il faut construire l’articulation. Avec une part d’imprévisible bien entendu. Mais justement pour que cet imprévisible soit un don et non un dérangement il faut soigner (et penser) les liens, les passages, les mouvements. Cette première partie de la soirée composée de dix petits spectacles articulés s’offre au public, l’accueille, le fait entrer dans le secret de ce théâtre. C’est un exercice d’hospitalité. Et ça marche.