(Article publié dans Terre d’écrits, Éditions Maison Louis Guilloux, 1999.)

La création me remet en présence d'une coupure, d'un écartèlement intime. Écrivant je suis faible ; quand j'écris tout est énigme. L'écriture a pour moi partie liée avec la résurrection. Sans doute pourrais-je reprendre à mon compte la révélation qui traverse un de mes personnages, Lazare, à la toute fin de Terres promises : « Je suis né mort je voudrais mourir vivant. » Cette résurrection n'advient, ne se manifeste, ne troue la toile des mots que si « le travail de la langue » creuse le présent, ouvre une brèche dans ce présent si insaisissable, si résistant, ce présent si présent qui ne cesse d'exploser en nous et à travers nous et que pourtant nous avons le plus grand mal à voir, à laisser passer. (Écrire c'est peut-être chercher le mot de passe, trouver le mot qui ouvre le passage…) Insister, revenir sans cesse dans cette brèche, la creuser, exige sans doute de « l'adresse », de la technique comme on dit aujourd'hui, mais surtout du désir, le goût du déséquilibre, le sentiment de la catastrophe et du commencement.