Couverture de la revue Les Cahiers de Prospero 5

(Article écrit par Roland Fichet, publié dans Prospero N°5, Traces, Juillet 1995, au sujet de « Choral » du Théâtre du Radeau, mis en scène par François Tanguy, à La Passerelle scène nationale de Saint-Brieuc, en mars 1995.)


Bâche de plastique transparent. Bois. Chapeaux. Manteaux. Armoires... Des matières. Un cadre (quel cadre !). Des cadres. Jeu de cadres. Des groupes d'homme, un petit clown, des anges, une mariée...
Laisser le champ possible. Le champ possible à quelque chose d'inconnu. Silhouettes (des silhouettes bretonnes quelquefois, je trouve - l'épaisseur ?-).
Ils sont attachés à quelque chose. Ce quelque chose on le déménage. ça déménage lentement, très lentement, physiquement. On tourne autour de quelque chose. Ce n'est plus, ce n'est pas encore mort.
Images floues de Kafka, images sonores aussi, murmures.
Perceptions floues d'un monde qui disparaît (ou réapparaît ?).
Comment ne pas parler. Comment tourner autour de la parole, signaler son bruit, sa présence insistante, sa trace.aux. Armoires... Des matières. Un cadre (quel cadre !). Des cadres. Jeu de cadres. Des groupes d'homme, un petit clown, des anges, une mariée...
Je cours après l'ombre des mots.
Du théâtre entre prose et poésie. Être mouvement et immobilité.
Esquive du texte de Kafka. Jeu d'esquives. Esquive de la mort ? Ruse ? La trace importe plus que la chose ou le mot ?
Le passage (impossible) du réel sous notre nez. Frontières. L'impossible passage.
Refoulement du théâtre. Qu'il se retire, qu'il laisse la place à la poésie des murmures, des évocations, des matières, des objets, des anges, des silhouettes, de ce qui ne pèse pas. Souffrance de l'auteur dramatique.

"Oui, est-ce toujours un avantage de remplacer une image floue par une image nette ? L'image floue n'est-elle pas souvent exactement ce qu'il nous faut ?"
Wittgenstein, Investigations.