La première blessure c'est la mère. Blessure inguérissable. certaines saintes (certaines femmes) exsudent du sang toute leur vie. De cette blessure/mère peut couler du sang mais aussi de l'encre. De l'encre a coulé pour moi de cette blessure/mère. D'abord cette encre a coulé sur du papier à lettres. De 11 ans à 18 ans, j'ai adressé à ma mère plus d'une centaine de lettres. Parvenu en faculté de Lettres, j'ai cessé de lui écrire. En faculté de Lettres, les lettres ont pris une autre direction, ont bifurqué vers d'autres femmes. Les lettres jouent un grand rôle dans la littérature et dans les films.

Je suis parti en pension à l'âge de 11 ans. C'est avec gratitude que je pense à l'arrachement violent consenti par ma mère. Elle a accepté cette séparation que tout son corps refusait. Les pères en avaient décidé ainsi. Elle a pleuré tous les jours pendant un mois. Puis moins souvent. Les lettres qu'elle m'écrivait, les lettres que je lui écrivais nous reliaient, nous apaisaient. L'encre et le papier sont devenus pour moi les deux choses les plus précieuses du monde.