Couverture du livre Micropièces

(Texte intégral de « Massacre dans le Bronx », micropièce de Roland Fichet, publiée dans la revue Arsenal n°1, octobre 1999, et publiée in Micropièces - Fenêtres et fantômes, Éditions Théâtrales, novembre 2006.)

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Abidi K. Ngolosso. – Cette odeur, pas une porcherie un îlot de bonne odeur animale
je le dis comme je la sens à plein nez primitive un îlot de bonne odeur humaine
Que je leur pardonne jamais quel massacre ô mes cochons.
Que je leur pardonne jamais et à toi non plus Tauf Kounta T'es une enflure.

Tauf. – Je hoche
Inconsolable sûr il est bien au-delà même Au-delà du consolable
Moi je suis Tauf je vous dis ça mon nom je vous regarde et après lui
Après c'est lui que je regarde Abidi K. Ngolosso mon ami
Mais il ne veut plus D'ami Il est pas content
On est là en plein Bronx tous les deux Avec les cochons massacrés
Entre nous
Et les gens autour Plein

Abidi K.Ngolosso. – À mort je lui en veux C'est une enflure

Tauf. – Un chien aboie

Abidi. – Ha ha ils zont pas tué le chien

Tauf. – Il ricane Je le connais son ricanement Depuis
Pour le chien c'est sûr il aboie Abidi K.Ngolosso c'est vérifiable à l'oreille qu'ils z'ont pas tué le chien
Les cochons ils zont tiré dedans Sept policiers d'élite

Abidi K.Ngolosso. – Tauf Sept policiers d'élite pour mes trois cochons Tauf Kounta

Tauf. – Quand même il dit mon nom

Abidi K.Ngolosso. – Tauf aussi sûr que je m'appelle Abidi K. Ngolosso le roi de Bacongo t'es une enflure t'as pas Comment t'as pu ne pas Tauf comment t'as pu

Tauf. – Que tu me pardonnes Abidi mon frère de dire ça mais merde il ne s'agit pas quand même Quand même c'est pas des personnes des cochons
Attends à toi aussi je vais te raconter à toi qui es là devant moi te raconter ses trois cochons à Abidi K. bien roulés dans la boue du Bronx calés tendrement dans un grand trou au-milieu du merdier juste trois planches pour qu'ils se débinent pas
La nuit il posait son cul là sur un vieux journal et il les regardait La nuit il les regardait ses cochons ça lui remontait le moral au roi du Bacongo
Il me fixe Tout dans les yeux Ses trois cochons je crois plus que moi il les aimait
Il ne s'agit pas quand même Quand même pas de ta femme Ou de ta mère Quand même pas de tes enfants Juste des cochons

Abidi K.Ngolosso. – Cligne tant que tu veux mon frère de l'oeil trop tard
plus jamais
voilà ce que moi Abidi K.Ngolosso je sais plus jamais

Tauf. – Plus jamais quoi ?

Abidi K.Diallouf. – Plus jamais avec toi Pas plus une saucisse chaude qu'une cuisse de poulet je crache tiens ce que j'ai dans la bouche rien plus jamais rien on ne partage plus rien ok enflure

Tauf. – Il se blottit dans sa propre épaule Il se garde pour lui rentre en lui Il va s'emporter je parierais loin de nous de la femme des petits

Abidi K.Ngolosso. – Toi je ne t'ai pas pas du tout connu j'en a foutre quoi moi de toi
Sept policiers d'élite ils tirent soixante-douze balles dans le corps de mes trois cochons tu fais quoi ? Hein ? Rien Ca va ça va

Tauf. – Les balles il vient de les compter Je morfle Mon tour est venu de morfler sur cette terre

Abidi K.Ngolosso. – Beau parleur Que ça Rien d'autre Tauf Kounta Nassoumi

Tauf. – Il me cloue Sec

Abidi K.Ngolosso. – Quel poil ils avaient quels groins quelles oreilles entre mille je les reconnais Ces cochons entre mille Des anges

Tauf. – Quand même pas

Abidi K. Ngolosso. – Si justement

Tauf. – Mais on devait

Abidi K.Ngolosso. – On devait quoi

Tauf. – Les bouffer Pas si facilement quand même Une amitié de frères du Bronx On devait Ca se perd pas d'un coup Les bouffer on devait

Abidi K.Ngolosso. – Si justement ça se perd D'un coup Aïe je l'ai sentie tomber de moi Flop Elle tombe là à côté de mes cochons troués de
soixante-quinze balles

Tauf. – Il a repéré trois nouvelles blessures

Abidi K.Ngolosso. – Y a donc Tauf Nassoumi que je coupe les ponts Crac Que je coupe Cut Pas provisoire Définitif Que je coupe d'avec toi et le Bronx
La saleté du Bronx de New-York tu l'as dans la peau Tauf Nassoumi
Cochon je vais devenir Ton roi pour réparer cochon deviendra Tauf Kounta Nassoumi
Enflure ils étaient planqués mes cochons bien planqués tu les as dénoncés Les anges du Bronx mes cochons C'est fini le Bronx Que le diable s'il en veut s'y vautre 

Tauf. - Lui de plus en plus noir moi tout gros
Allumer une cigarette J'aimerais bien j'ose pas
Veut plus rien partager Abidi mon roi même de la fumée Avec moi M'accuse même moi
Tout autour du petit enclos au fond du tas d'ordures les tireurs d'élite tout d'un coup
on les voit jamais par là les flics c'est vrai d'où qu'ils venaient
comme des ennemis ils les ont tirés les trois cochons plus de cinquante coups de feu
D'où ils viennent tes pères qu'il me dit d'où qu'ils viennent
De Bacongo je réponds

Abidi K.Ngolosso. - J'y retourne Là-bas on ne tue pas les cochons à coup de fusil Salut enflure

Tauf. - L'odeur il l'a emmenée avec lui L'odeur et l'esprit L'odeur humaine de ses cochons Sur lui
Quel type c'était Abidi K.Ngolosso Et grand joueur de base-ball