8h – Petit déjeuner devant le port, les oiseaux, l’océan. Damien est déjà debout. Cet endroit où nous venons de tomber l’impressionne. Nous parlons de l’enchaînement : retour sur le plateau-danse/transe-chant des ancêtres. Nous sentons bien que ces enchaînements pourraient être plus subtils, plus « chargés ». Nous imaginons des modifications.

Nous analysons où nous en sommes dans cette aventure théâtrale que nous partageons depuis le début. Et dans quelques mois Anatomies 2010 à Rennes (TNB), à Paris…

Le départ de Okarré et de Princia pour le Centre Chorégraphique de Caen me perturbe beaucoup. Eric Lamoureux leur a proposé un contrat de sept mois. Comment refuser ? et quand ils l’ont su Orchy s’était déjà engagé pour eux.

Que devons nous faire évoluer ? avec quelle distribution ? Avec quelle scénographie ? Quelle lumière ? Nous évoquons des noms. Dans cette auberge pimpante, à Saint-Louis du Sénégal, les noms de Daddy Kamono, Chantal Reynoso, Anne-Sophie Sterk, Manuel Garcia-Kilian, Laurent Cazanave dansent sur la table du petit déjeuner.

A chaque rencontre avec les acteurs de la ville où nous arrivons, dans chaque pays, nous parlons de l’école du TNB. Marie-Laure et Damien sont passés par cette école, elle vient donc naturellement sur le tapis dès les présentations.

Damien s’est glissé sans problème dans ses fonctions d’assistant à la mise en scène. L’art théâtral est une terre qu’il arpente avec passion et méthode. Il aime les animaux étranges qui s’y meuvent. Il y a du dompteur chez lui.

10h – Comme dans chaque ville, nous sommes impatients de rencontrer les acteurs et danseurs qui vont monter sur scène avec nous. Nous avons rendez-vous au bar de l’Institut Culturel, dans la cour. Didier Moniotte, le directeur, a réuni une belle équipe : Mama Sadio, Patricia Ndiaye, Rama Sarr, Seydou Camara Kaau, Ablaye Diouf dit Gros Bébé et Pape Samba Sow dit Zoumba.

Pape Samba Sow dit Zoumba est une sorte de papa général pour nombre d’artistes de Saint-Louis. Il joue en ce moment, seul, un spectacle qu’il va bientôt emmener en Mauritanie, à Dakar et en France. Mama Sadio a une voix exceptionnelle. Rama Sarr danse à l’Ecole des Sables, le Centre de Germaine Akony. Rama et Seydou répètent ensemble un spectacle de danse que l’Institut Culturel leur a commandé. Patricia a vécu et joué en France pendant plusieurs années. A travaillé avec Philippe Adrien.

Traduction de phrases du texte en wolof. Lecture de la pièce pendant que Papythio et l’équipe technique installent le dispositif scénographique. Les acteurs et les danseurs de Saint-Louis écoutent avec une grande attention.

Après-midi. Répétition sur le plateau. Répétition du chant que propose Mama Sadio. Très beau. Damien dirige la répétition.

Je passe un moment avec Didier Moniotte. Nous parlons du rapport entre Noirs et Blancs. Nous parlons de la douleur qui habite ce rapport.

Le mot douleur c’est lui qui l’emploie. Il parle de cette douleur avec intensité. Il l’a ressentie, y a beaucoup réfléchi. Je pense au film de Raymond Depardon sur l’Afrique : Comment ça va avec la douleur ?

Il me dit : « A un moment ou à un autre dans un poste comme le mien on pète les plombs. »

Dans la rue, deux types se tournent autour ; tout droit sortis d’une pièce de B.M. Koltès.

Dans la soirée, après la répétition, nous sommes raptés par Zoumba. Il nous emmène chez lui. Sa femme nous prépare du bœuf. Zoumba nous installe dans des canapés. Les acteurs, épuisés, s’endorment tous.

Deux heures plus tard, dans un coin de la cour, dans son salon de plein air, nous mangeons avec grand appétit le bœuf succulent préparé par Madame Samba Sow. Nous piochons avec les doigts dans l’immense bassine. Bonne humeur générale. Ablaye Diouf dit Gros Bébé nous prépare du thé. Au cœur de la nuit, la troupe celto-congolaise boit lentement du thé africain en regardant les étoiles.