Pour Kouam qui a écrit Revanche(s), trois extraits d’un article de Jean-Paul Sartre intitulé Écrire pour son époque paru dans la revue « Les Temps Modernes » en juin 1948.

« […] Nous voulons que l’homme et l’artiste fassent leur salut ensemble, que l’œuvre soit en même temps un acte ; qu’elle soit expressément conçue comme une arme dans la lutte que les hommes mènent contre le mal […] »

« […] Il faut donc écrire pour son époque, comme ont fait les grands écrivains. Mais cela ne signifie pas qu’il faille s’enfermer en elle. Écrire pour l’époque, ce n’est pas la refléter passivement, c’est vouloir la maintenir ou la changer, donc la dépasser vers l’avenir, et c’est cet effort pour la changer qui nous installe le plus profondément en elle, car elle ne se réduit jamais à l’ensemble mort des outils et des coutumes, elle est en mouvement, elle se dépasse elle-même, perpétuellement, en elle coïncident rigoureusement le présent concret et l’avenir vivant de tous les hommes qui la composent […] »

« […] On ne saurait être homme ni se faire écrivain sans tracer au-delà de soi-même une ligne d’horizon, mais le dépassement de soi est en chaque cas fini et singulier. On ne dépasse pas en général et pour le simple plaisir orgueilleux de dépasser ; l’insatisfaction baudelairienne figure seulement le schème abstrait de la transcendance et, puisqu’elle est insatisfaction de tout, finit par n’être insatisfaction de rien. La transcendance réelle exige qu’on veuille changer certains aspects déterminés du monde et le dépassement se colore et se particularise par la situation concrète qu’il vise à modifier. Un homme se met tout entier dans son projet d’émanciper les nègres ou de restituer le langage hébraïque aux Israélites de Palestine, il s’y met tout entier et réalise du même coup la condition humaine dans son universalité ; mais c’est toujours à l’occasion d’une entreprise singulière et datée […] »