Le 14 février 2005

1 – De retour à Lausanne depuis samedi. Pont-à-Mousson, Metz, Thionville, Metz, Strasbourg, Bâle, Lausanne. Départ de Pont-à-Mousson : 9h18 ; arrivée à Lausanne : 16h15. Il y a un os.
2 – Dans le train nouvelles de Maupassant : En famille et La femme de Paul. La cruauté est bien un des secrets de l’écriture. La cruauté exacte du regard de Maupassant ! « …Tout près de la portière, un homme petit et gros la figure bouffie, le ventre tombant entre ses jambes ouvertes, tout habillé de noir et décoré, causait avec un grand maigre d’aspect débraillé, vêtu de coutil blanc très sale et coiffé d’un vieux panama… »
« …Elle n’avait jamais été jolie ; elle était laide maintenant, de petite taille et maigrelette. L’inhabileté de sa vêture avait toujours fait disparaître ses maigres attributs féminins qui auraient dû saillir avec art sous un habillage bien entendu. Ses jupes semblaient sans cesse tournées d’un côté ; et elle se grattait souvent, n’importe où, avec indifférence du public, par une sorte de manie qui touchait au tic… »
Les enfants n’échappent pas au massacre :
« …Philippe-Auguste était un vilain mioche, dépeigné, sale des pieds à la tête, avec une figure de crétin. Marie-Louise ressemblait à sa mère, parlait comme elle, répétant ses paroles, l’imitant même en ses gestes »
Je cherche des nouvelles de Maupassant qui m’ont bouleversé quand j’avais 15 ans. Tout un paysage humain qui m’est resté en mémoire. Je cherche ? Pas vraiment. Quand je tombe sur un livre de Maupassant, je jette un oeil. Sacré Maupassant, il charrie de la mort avec allégresse.
3 – Je ne comprends pas pourquoi Richard Fichet ne me répond pas. Il a écrit en 1983 une thèse d’ethnopsychiatre à propos des femmes aboyeuses de la région de Josselin. J’aimerais beaucoup lire cette thèse et/ou des articles de lui. J’ai écrit, pour un des spectacles de Michel Didym, La Petite Aboyeuse de Camors, en août 2003. Pendant l’été 2003, j’ai commencé un récit sur une aboyeuse, récit que j’ai poursuivi pendant l’été 2004. Je suis loin du but et il me manque de la matière. Ce qui est curieux dans le comportement de Richard Fichet c’est qu’il semble refuser tout échange. J’ai téléphoné plusieurs fois au Centre qu’il dirige à Auray (« vous êtes de la famille ? » m’a demandé la secrétaire), je lui ai écrit : monsieur le Docteur fait le mort. À noter que ce n’est pas d’aujourd’hui que ce sujet me travaille, dans De la paille pour mémoire, pièce écrite en 1983 — Tiens, tiens, Richard Fichet 1983 ! —, un des personnages aboie : Zaac. Il ne parle pas ou plutôt il parle par jappements et aboiements. C’est Jean Kergrist qui jouait Zaac quand j’ai mis la pièce en scène au Théâtre de Saint-Brieuc en 1983. Jean était superbe d’élégance et d’humour dans ce rôle. Toute mon enfance j’ai entendu parler des aboyeuses. Elles me fascinent. Légende biographique tentante : je suis le fils des aboyeuses. Sans doute que Richard Fichet se prend aussi pour le fils des aboyeuses et qu’il ne veut pas partager l’héritage. Peut-être faut-il organiser un concours d’aboiements entre Richard et Roland.
4 – J’ai plusieurs fois échangé à propos de ces aboyeuses avec Valère Novarina. Lui aussi vient d’un pays d’aboyeuses : Morzine. En juin 2004, à Francfort, il m’a précisé que les aboyeuses de Morzine n’étaient pas des aboyeuses mais des femmes qui subitement se sont mises à parler « en langues ». Elles sont sorties de la messe, un soir, se sont dévêtues, ont couru vers les sapins, ont grimpé, se sont mises une fois en haut des sapins à parler de multiples langues. Je me souviens que Valère Novarina m’a cité l’araméen. Évidemment ce n’est pas la même chose : aboyer ou parler l’araméen. À Bordeaux, il y a deux semaines, le 28 janvier, nous avons de nouveau mis sur la table les langues latérales, les langues inouïes. Valère Novarina m’a incité à lire le livre d’Alain Kerdec : Les possédés de Morzine.
5 – SMS de I. L. ce matin : « Tombée sur Claudel : « L’homme et la femme comme deux grands animaux spirituels. » Bonne journée.
6 – Lausanne sous la neige. De gros flocons qui tombent mollement sur le lac Léman. J’écris ces notes dans un appartement qui donne sur le lac Léman. Je rejoins le Théâtre Vidy en 5 minutes.
7 – Les ateliers d’Hiver de la Méec (Michel Didym) à Pont-à-Mousson. 9, 10 et 11 février. Jean-Marie Piemme est sorti des murs, intense et discret comme d’hab. Mangé aussi avec Fabrice Melquiot que je ne connaissais pas. Vu avec plaisir les premiers travaux des jeunes auteurs du département Écriture Dramatique de l’ENSATT piloté par Enzo Corman. Textes de Cédric Bonfils, Marie Dilasser, Thibault Faymer, Samuel Gallet, Olivier Mouginot, Sabine Tamisier, Silvère Valtot.
Il y a deux ans, Marie Dilasser a participé à un atelier d’écriture que j’animais à la fac de Rennes. Belle prise sur la langue et elle y va. Agréable de la retrouver là. Très engagée. Marie Dilasser est la petite fille du peintre Henri Dilasser. Nous avions commandé des dessins à Henri Dilasser pour le premier numéro de Prospero en 1993. Une idée de Didier-Georges Gabily.