(Extraits de presse à propos de la pièce « La chute de l’Ange rebelle » de Roland Fichet, créée par Claudia Stavisky du 8 janvier au 3 février 1990 au Petit-Odéon Théâtre de l'Europe en coproduction avec la Comédie française.)


Le Monde — 15 janvier 1991 / Michel Cournot

[…] L’un des écrivains attachants d’aujourd’hui, qui vit à Saint-Brieuc, où il anime une compagnie de théâtre, Roland Fichet, saisi par la lecture de ce chapitre, nous donne une pièce, La chute de l’Ange rebelle, dont le protagoniste est un ange-démon tombé du ciel comme celui de l’Écriture, mais on ne peut plus ancré dans nos patouillages actuels. Enflammé, passionnel, vengeur, cet ange très méchant garçon, mais à qui un sourire échappe parfois, et qui est viscéralement uni à sa mère, à ses sœurs, qu’il agresse — cet ange a des dons magnifiques de poète : il métamorphose en gerbes de lave éblouissante son délire, ouragan mêlant des enfances, des cauchemars, souvent de Golgotha (présence des calvaires bretons ?) Lorsqu’il a trop brûlé d’énergie créatrice, il va se rafraîchir dans la salle des bains, son petit Eden.
[…] La Chute de l’ange rebelle, de Roland Fichet, mise en scène à la fois sobrement et lyriquement, très bien, par Claudia Stavisky, est interprétée par Valérie Dréville, dont l’art libre, inventif, d’une fraîcheur vive, a été remarqué notamment chez Antoine Vitez, dans Électre, Le soulier de satin, La Mandragore. L’Ange rebelle assumé par cette comédienne devient un androgyne hésitant, aux récriminations acides et souriantes ; il pique, pourrait-on dire, des « colères de charme » ; il est irrésistible.


L’événement du jeudi — Emmanuel Klausser

[…] On ne résiste pas à la lecture de ce texte ombilical, pervers, drôle et lancinant. Un ange diablement sexué en est le prince, dont les phantasmes se conjuguent à l’impuissance, comme si la chute était inévitable corollaire de toute érection […]


Le nouveau Politis — Gilles Costaz

[…] Dans un récit monologué traversé d’éclairs, et de beautés mais fuyant comme du sable, un personnage conte ses malheurs d’ange révolté jeté à terre par ses parents et tente de retrouver ses esprits et son envol. Claudia Stavisky et son interprète, Valérie Dréville, portés par ce vieux mythe réchappé à neuf, ont fait un miracle. L’œil n’en croit pas ses yeux et l’oreille savoure chaque mot. Valérie Dréville, méconnaissable, blonde, devenue porc-épic brun, paraît venir d’un autre monde. Elle touche, bouleverse, amuse dans une cérémonie où tout surprend.


L’humanité — Jean-Pierre Léonardini

Valérie Dréville, qui pourrait bien être la plus inventive, la plus malicieuse, la plus agile de sa génération. Tout ce qu’elle distille, suggère, esquisse et danse quasiment (travail chorégraphique de Martine Harmel) dans La chute de l’Ange rebelle relève de la plus exquise perversité, requise par un personnage en proie au malheur d’être né d’une mère chérie-honnie, génératrice de psychose chez son rejeton infiniment bavard qui n’en finit pas de régler ses comptes à rebours. […]


L’express — L. L.

[…] Ballotté entre ces identités monstrueuses, le héros de Fichet vrille d’une joie perverse le pouvoir maléfique de « l’être séparé » : souffrance et vengeance de celui que l’amour rejette dès la naissance. Claudia Stavisky distille le malaise et convoque l’imagerie de la science-fiction et du film d’horreur […]. On admire la prestation teigneuse, vitupérante et intimement jouisseuse de Valérie Dréville. Elle s’offre le plaisir d’explorer les virtualités d’un talent qu’on pressent immense […].


Révolution — 8 février 1991 / Sylvianne Gresh

[…] Dans une sorte de chambre aux murs lézardés recouverts de dessins fous, un être est juché sur un haut tabouret aux pieds de verre. Est-ce un homme ? est-ce une femme ? un vieillard ? Il porte dans le dos les ailes d’un ange. On assiste au long monologue de sa dérive. Tout commence dans la salle de bains de sa mère où l’enfant vit ? se souvient ? imagine ? les relations vaguement incestueuses qu’il eut avec elle. Il ressasse la faute originelle, celle qui l’empêche de vivre, le rend impuissant, seul, fou.
Valérie Dréville en ange noir semble porter en elle tous les âges de l’humanité. On pense à ce poème d’Antoine Vitez : « Un acteur est quelqu’un qui apprend à laisser fuir de soi son propre vieillard ou la femme qu’il a rêvé d’être. Ainsi nos prisons. Et tous nos morts. » […]


La croix — Fabienne Arvers

Elle, c’est Valérie Dréville, magnifique comédienne, seule en scène à interpréter le rôle de cet ange rebelle, écrit pourtant au masculin sous la plume de Roland Fichet. La mise en scène de Claudia Stavisky privilégie l’aspect fantastique de la fiction en plaçant la comédienne dans un décor, signé Rodolpho Natale, où les murs se crevassent à loisir, laissant suinter une eau envahissante, et reflètent la chute inexorable de cet ange réfugié dans la folie. […]


Libération — René Solis

Perruque brune mal peignée, triste costume trop grand, méconnaissable n’étaient-ce ses yeux plissés, Valérie Dréville doit plutôt s’amuser à jouer cet Ange rebelle qui lui permet de casser son image : fini la séduction, le charme et la malice, voici les ruptures de ton, la voix qui déraille, les bouffées d’hystérie et les montées d’adrénaline.


Le Figaro — Caroline Jurgenson

[…] Et avec quel texte ! Difficile à raconter tant la matière est dense, baroque, sauvage même […]


Le Télégramme — 27 décembre 1990 — Arnaud Le Gal.

« Les miracles existent », sur les scènes de théâtre, mais aussi dans les coulisses. Roland Fichet, l’auteur dramatique briochin, en est désormais persuadé. Il faut dire qu’il a de quoi : sa pièce La chute de l’Ange rebelle va être créée, du 8 janvier au 3 février, au Théâtre de l’Odéon, à Paris, dans la petite salle, forum des auteurs contemporains. De plus, la production sera placée sous l’égide de deux monuments : le Théâtre de l’Europe-Odéon, mais aussi la Comédie française. Une réussite peu banale, surtout quand, comme Fichet, on se tient à l’écart du microcosme culturel parisien. […]
[…] Même si sa renommée est grandissante, si de plus en plus de spécialistes le connaissent et le reconnaissent et si ses pièces commencent à être montées en Allemagne et en Tunisie, il ne s’attendait pas à une telle consécration, avec cette Chute de l’Ange rebelle (titre faisant référence au célèbre tableau de Bruegel), achevée au printemps dernier.
« C’est un trajet inespéré, reconnaît-il, qu’une pièce, à peine écrite, soit montée dans ces conditions… d’autant plus que ce n’est pas franchement du théâtre, mais plutôt un récit, une confession écrite. Cela prouve, en tous cas, qu’on peut écrire à Trégomeur et Saint-Brieuc et tracer son chemin jusqu’aux institutions nationales. »
[…] Le Petit Odéon, Fichet le connaît déjà, puisque deux de ses pièces y ont été lues dans le cadre de la semaine des auteurs, en 85 et 88. Mais il lui a tout de même fallu un ange gardien pour s’y imposer. Un ange qui a le visage lumineux et le talent de Valérie Dréville.
La jeune comédienne avait déjà été l’interprète de Fichet au festival d’Avignon 88, alors qu’il montait Terres promises à l’issue du séjour en résidence d’écrivain à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.
Ayant eu la primeur de L’Ange rebelle, elle a immédiatement tenu à le jouer. C’est par son intermédiaire que Claudia Stavisky a découvert le texte et décidé de le mettre en scène.
[…] Et surtout elle a convaincu le regretté Antoine Vitez, son « patron » d’alors à la Comédie française, de passer outre la vieille règle qui interdit aux sociétaires de la Maison de Molière de se produire dans un autre théâtre national, mais aussi de co-produire la création, pour ouvrir à « l’ange » les portes du paradis. […]


Ouest-France — 8 décembre 1990 / Alain Tchérépoff

[…] Le Théâtre de Folle Pensée a le vent en poupe. Il a fait partie de la poignée de troupes avec lesquelles le Ministère de la Culture a signé une convention de trois ans. Dans l’Ouest, elles ne sont que deux : Folle Pensée (Saint-Brieuc) et l’Alibi (Rennes). Cette signature intervient au moment où Roland Fichet, le responsable de la troupe est mis en scène à Paris. Du 8 janvier au 3 février, au Petit-Odéon, Valérie Dréville interprétera une de ses pièces, La chute de l’Ange rebelle. Une production Comédie française-Odéon Théâtre de l’Europe.
[…] Les textes de Roland Fichet ont depuis quelques temps déjà franchi les frontières de sa belle province : « En Allemagne, Plage de la Libération a été joué en Sarre. Terres promises est en traduction, ainsi que La chute de l'Ange rebelle. » En Tunisie aussi, on connaît Fichet. De la paille pour mémoire, une pièce sur les traditions et la manière de les quitter, a été adaptée aux réalités locales. Le texte d’origine a été joué en arabe. Les parties bretonnes ont été traduites en berbère. Identité de situation entre deux minorités nationales. « Une expérience intéressante » que, de part en part, on a envie de renouveler. Les Tunisiens ont déjà pris une option sur Suzanne.