Dans « Aimer Tuer » une Blanche fixe une Noire d'un bout à l'autre du récit. Elle ne la quitte pas des yeux. La place de cette Blanche dans le village d'Afrique (Nord du Nigéria ? Nord du Mali ?) où elle s'est réfugiée est très réduite. Elle est là, cette femme blanche, comme par effraction. mais elle est là et elle reçoit en pleine figure à son corps défendant cette femme noire irréductible, cette femme noire d'une opacité infinie.
Quel est le corps qui arrime mon attention d'écrivain ? Quel est le corps qui me fixe ? Est-ce le corps de la femme blanche ? Est-ce le corps de la femme noire ? Est-ce l'espace infranchissable entre ces deux corps ?
Je sais depuis cet été que je suis aussi la femme noire lapidée de « Aimer Tuer ».

« Laissez cette femme.
Les hommes la voient. Ils sont venus pour détruire justement cela, ce qu'ils voient. Cette vérité physique. Une femme. L'autonomie de cette vérité les met en transes. Elle marche sur deux pieds cette vérité, elle vit. Anéantir cett séparation, cet écart entre eux et elle, c'est leur but, leur illusion.
Cette sidération l'anéantir.
Tu touches ton sexe.
Ce qu'il ne comprend pas l'homme le tue, l'homme est un être simple. »
[« Aimer Tuer » de Roland Fichet, fragment.]