Le Monde du 30 juillet. Article de Olivier Py : Avignon se débat entre les images et les mots.
« Avignon résonne d’une controverse inattendue. Pour la première fois dans l’histoire du Festival, le théâtre du dire est mis en minorité par rapport à toutes les autres formes. La cour du Palais des papes elle-même, lieu paradigmatique d’Avignon, n’accueille pas cette année de théâtre, au sens traditionnel. C’est cette année que s’invente la formule « théâtre de texte », qui serait passée autrefois pour un pléonasme mais s’entend désormais comme une catégorie théâtrale. Un grand nombre d’artistes invités, mutatis mutandis, avouent, par leurs œuvres, qu’ils sont ou que nous sommes lassés des mots.
Cette édition du Festival sera donc celle d’un théâtre plus proche des arts plastiques que de l’écriture, plus visuel que littéraire […].
Tout d’abord, réaffirmons l’incroyable miroir qu’est Avignon. Où ailleurs, dans l’espace culturel, ces questions de liens politiques ou poétiques entre l’image et le mot sont-elles débattues ? Nulle part en tout cas de manière aussi fiévreuse. Pourtant il s’agit bien là du phénomène civilisationnel le plus crucial de notre temps. La plaque tectonique d’une ère de l’écrit et celle d’une ère de l’image ouvrent leurs points de fracture, et nous sommes exactement à l’endroit de ce tremblement : évidemment, le théâtre en est l’indicateur sismique le plus juste.
Il n’est plus contestable que l’ère de Gutenberg se referme, nous entrons dans le temps d’avant l’imprimerie, le temps où la parole n’avait pas l’écrit pour la soutenir dans son travail sociétal. »

Bigre ! Oser un tel surplomb ne manque pas d’allure. Et pousse à prendre de la hauteur. (Au poète tout est permis s’il a la forme ?)
Je ne crois pas, Olivier, que nous soyons lassés des mots. Nous sommes peut-être lassés de tout mais c’est une autre histoire.
Et puisque c’est toi, homme de foi, qui signes ces lignes j’avance une intuition un peu brute : Nous sommes lassés de ne pas avoir de temps, de ne pas avoir LE TEMPS, nous sommes furieux de ne pas avoir de présent au-delà de la mort. De ne pas avoir d’avenir au-delà de la mort. Si on nous enlève l’au-delà de la mort, nous devenons fous. Les religions s’accrochent aux branches avec férocité, mais c’est foutu, elles savent que c’est foutu. Même les pratiquants ne croient plus à un au-delà de la mort. Leur inconscient n’y croit plus.
Bon. À creuser.