Agacement. Ian Fabre a réussi un exploit auquel il ne prétendait pas : rétablir des clivages primaires. Journalistes, responsables culturels et même artistes signent quasi-unanimement cette séparation, nouvelle dans sa brutalité : le théâtre de texte d’un côté, le théâtre d’image de l’autre. Le débat se constitue autour de cette schize douteuse. Tordue cette façon de poser le problème. En tant qu’auteur, je suis forcément du côté du théâtre de texte… Je me sens un peu poussé dans le dos. On ne peut pas réduire le déploiement de la pensée sur scène à ce qui est dit. Ce n’est pas non plus parce qu’il y a texte qu’il y a pensée. Et où passent les acteurs dans ce clivage texte/image ?

Le 17 et 20 juillet conversations sur ce thème avec des « poids  lourds » de l’institution théâtrale. Je suis étonné de les voir pleurer sur la « disparition » du texte. La pièce de théâtre ! Où est passée la pièce de théâtre ? Qu’est-ce qu’ils entendent par pièce de théâtre ? Je suis ému par tant d’élan vers la pièce de théâtre, par tant de désir. Sur ce sujet Christian Lupa, éminent metteur en scène polonais, le 4 novembre 2004 à Rennes, a dit des choses… J’ai noté ses propos et je les ai cités dans mon petit topo de fin de colloque (cf. Petite coupe transversale de trois jours de colloque au TNB) : « Une nouvelle période commence pour le théâtre grâce aux auteurs. Les auteurs dramatiques construisent la réalité d’une nouvelle manière, ils n’écrivent plus comme avant, le langage est en crise, la narration est en crise. Les écrivains ne veulent plus raconter ; ils écrivent des monologues, des confessions, des fragments, ils explosent les formes de la narration. Le rôle du théâtre d’aujourd’hui, c’est de suivre ce mouvement. Le metteur en scène doit s’embarquer pour ce voyage sans savoir quel continent il va atteindre. Nous sentons que nous mentons. La nouvelle génération des auteurs apporte une nouvelle vérité. »

Est-ce que les directeurs du festival d’Avignon sont en quête de cette nouvelle vérité et attentifs à la façon dont les auteurs d’aujourd’hui la traduisent, la trament, la sculptent dans leurs œuvres ? Je pense que oui. De Sarah Kane à Christine Angot en passant par Rambert, Py, Peyret, Fabre et plusieurs autres, ce festival a pris le risque de cette quête.